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La gare internationale de Canfranc aux dimensions monumentales — aussi grande que la gare parisienne de Saint-Lazare — par rapport à la modeste localité desservie, est située à près de 1 200 mètres d'altitude dans les Pyrénées espagnoles. Gare emblématique de Huesca, elle est mise en service en 1928 mais ne connaîtra jamais le trafic escompté. Elle est déclarée Bien d'Intérêt Culturel en 2002, Faisant partie du Patrimoine Historique Culturel Ferroviaire. La gare internationale de Canfranc est l'un des plus importants ensembles ferroviaires construits en Europe dans le premier tiers du XXe siècle. Elle faisait autrefois la jonction entre les villes de Pau en France et de Saragosse en Espagne. Depuis 1970, suite au déraillement d'un train français de marchandises détruisant un pont à proximité de la gare de Lescun, en vallée d’Aspe, qui ne sera jamais reconstruit, la gare n'est plus qu'un terminus espagnol, le trafic ayant été arrêté coté français. Le bâtiment principal qui n'est plus utilisé comme gare est longtemps laissé à l'abandon avant de connaître une rénovation qui débutera dans les années 2000. Une nouvelle gare a été construite près du bâtiment originel, restauré en 2020 afin d'accueillir un hôtel de luxe d'une centaine de chambres. La rotonde destinée à garer les locomotives sera pour sa part transformée en musée. Je suis allée une première fois sur les lieux, le 15 octobre 2011, alors que les travaux avaient déjà débuté. Derrière le bâtiment, sur les rails, se trouvaient encore les trains, pour la plupart très abîmés, voir envahis de végétation. Un retour sur les lieux en décembre 2021, m'a permis de constater que les travaux avaient grandement avancés. La nouvelle gare était en fonction, et l'hôtel ne devait plus tarder à être ouvert au public, chose faite à ce jour depuis décembre 2022. Aujourd'hui, la plupart des trains sont garés dans la rotonde en attente du musée et son accès reste interdit, périlleux, voir dangereux.

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Un bâtiment déserté, abandonné, oublié entre terre et ciel, et pourtant encore si majestueux, si imposant, si présent. Initialement destiné à être un hospice hospitalier et à accueillir les malades en 1862, le chantier prend fin officiellement le 3 décembre 1871. L'hospice n'endossa que très peu de temps les fonctions qui lui étaient assignées. Ecole communale pour filles et garçons puis village-vacances, il est racheté au début des années 2000 et est aujourd'hui désaffecté. Le temps s’y est arrêté. Et moi, je rêve. J’aime ce lieu qui fourmille d’histoires, de détails, d’objets, ses décors figés dans le temps. Je  suis à la fois dans un état d’excitation, d’appréhension, de peur de me faire attraper en train de pénétrer dans ce lieu privé, voir dangereux, peur de déranger un peu aussi,  mais j’aime ce goût de l’interdit. Je déambule sur la pointe des pieds pour ne pas troubler ce silence qui règne dans ces longs couloirs qui me mènent tour à tour dans ces chambres encore habitées de leurs literies, rideaux, cintres dans les armoires, tapisseries d’un autre temps, murs moisis, décrépits, et si je me laisse aller, je peux y ressentir le parfum de toutes ces vies, ces histoires. Mon imaginaire entre en jeu. La cloche annonçant la fin des cours qui sonne. Les jeux de marelles, de billes, de Colin Maillard. Les sourires complices, les bouderies, chamailleries et réconciliations…..J’entends les rires des enfants qui se jettent leurs oreillers jusqu’à en faire exploser les coutures, et se retrouvent à devoir ramasser toutes ces plumes jonchées au sol, accrochées aux rideaux, collées sous les semelles des chaussures. Le directeur est assis là, dans son fauteuil, son bureau derrière le comptoir sur lequel est posé le minitel. Et puis, au bout de ce long couloir, la salle à manger avec ses lustres à faire concurrence au soleil, qui pourtant a tout lieu de s’inviter au travers des grandes baies vitrées. Le digestif sera servi dans le salon. Vous le reconnaitrez à son immense cheminée devant laquelle ces dames viennent s’y réchauffer l’hiver tout en feuilletant un magazine, et se racontant les potins patati patata… Je me représente ce lieu lorsqu’il y avait de la vie, un peu comme installée dans une machine à remonter le temps, et je me sens privilégiée d’avoir cette belle opportunité d’être témoin de quelque chose qui a vécu et qui bientôt, ne sera plus, tout en ressentant un vrai pincement au cœur à l’idée qu’un tel lieu disparaisse dans un tel état pitoyable. Ce bâtiment a traversé le temps, occupant différentes fonctions. Aujourd'hui, même si les décors sont marqués par le temps, me permettant alors dans ce moment présent à en saisir les éléments détériorés, déchirés, brisés, décomposés, délaissés, l’Homme ne fait qu’en accélérer sa destruction. Cet établissement fait l'objet de pillages et d'occupations clandestines. Un véritable désastre. Vitres éclatées, plafonds explosés, excréments dans les chambres, plomberies arrachées, salles de bains dépouillées, vandalisées…..c’est la fin du rêve !

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