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Chambre 103

Un bâtiment déserté, abandonné, oublié entre terre et ciel, et pourtant encore si majestueux, si imposant, si présent. Initialement destiné à être un hospice hospitalier et à accueillir les malades en 1862, le chantier prend fin officiellement le 3 décembre 1871. L'hospice n'endossa que très peu de temps les fonctions qui lui étaient assignées. Ecole communale pour filles et garçon puis village-vacances, il est racheté au début des années 2000 et est aujourd'hui désaffecté. Le temps s’y est arrêté. Et moi, je rêve. J’aime ce lieu qui fourmille d’histoires, de détails, d’objets, ses décors figés dans le temps. Je  suis à la fois dans un état d’excitation, d’appréhension, de peur de me faire attraper en train de pénétrer dans ce lieu privé, voir dangereux, peur de déranger un peu aussi,  mais j’aime ce goût de l’interdit. Je déambule sur la pointe des pieds pour ne pas troubler ce silence qui règne dans ces longs couloirs qui me mènent tour à tour dans ces chambres encore habitées de leurs literies, rideaux, cintres dans les armoires, tapisseries d’un autre temps, murs moisis, décrépits, et si je me laisse aller, je peux y ressentir le parfum de toutes ces vies, ces histoires. Mon imaginaire entre en jeu. La cloche annonçant la fin des cours qui sonne. Les jeux de marelles, de billes, de Colin Maillard. Les sourires complices, les bouderies, chamailleries et réconciliations…..J’entends les rires des enfants qui se jettent leurs oreillers jusqu’à en faire exploser les coutures, et se retrouvent à devoir ramasser toutes ces plumes jonchées au sol, accrochées aux rideaux, collées sous les semelles des chaussures. Le directeur est assis là, dans son fauteuil, son bureau derrière le comptoir sur lequel est posé le minitel. Et puis, au bout de ce long couloir, la salle à manger avec ses lustres à faire concurrence au soleil, qui pourtant a tout lieu de s’inviter au travers des grandes baies vitrées. Le digestif sera servi dans le salon. Vous le reconnaitrez à son immense cheminée devant laquelle ces dames viennent s’y réchauffer l’hiver tout en feuilletant un magazine, et se racontant les potins patati patata… Je me représente ce lieu lorsqu’il y avait de la vie, un peu comme installée dans une machine à remonter le temps, et je me sens privilégiée d’avoir cette belle opportunité d’être témoin de quelque chose qui a vécu et qui bientôt, ne sera plus, tout en ressentant un vrai pincement au cœur à l’idée qu’un tel lieu disparaisse dans un tel état pitoyable. Ce bâtiment a traversé le temps, occupant différentes fonctions. Aujourd'hui, même si les décors sont marqués par le temps, me permettant alors dans ce moment présent à en saisir les éléments détériorés, déchirés, brisés, décomposés, délaissés, l’Homme ne fait qu’en accélérer sa destruction. Cet établissement fait l'objet de pillages et d'occupations clandestines. Un véritable désastre. Vitres éclatées, plafonds explosés, excréments dans les chambres, plomberies arrachées, salles de bains dépouillées, vandalisées…..c’est la fin du rêve !

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